D'abord, nous sommes allés vers Puno, en passant par les eaux thermales d'Aguas Calientes. Ça nous a fait une bonne base pour camper, 4050m, vue sur des sommets enneigés depuis les bassins d'eau brûlante au petit matin bien gelé.
Et puis nous avons eu beaucoup de plaines très vides à traverser presque en ligne droite, jalonnées par les nombreuses sépultures en mémoire des victimes de la route. Il faut dire que les Péruviens plutôt super sympathiques et tranquilles deviennent des excités une fois au volant de leurs camionnettes surchargées. Cela dit, certaines croix sont décorées avec goût.
Peu de temps après, nous passions par le lac Titicaca, très bleu, très grand comme si nous étions au bord de la mer mais avec la cordillère royale en déco dans le fond, et ses dizaines de pics enneigés culminant à plus de 6000 mètres. Du côté Bolivien, nous sommes allés faire un tour à La Paz, assez chouette comme ville, sans nous donner tellement l'impression d'être dans une capitale. Beaucoup d'animation, plein de bon trucs à manger dont les succulentes salteñas et les tamales à la viande de llama sèchée (faut que je note les recettes). Le pain Bolivien est excellent, en fait, c'est comme à la maison, moelleux avec une belle croûte dorée).
Direction Oruro, toujours du plat et de la route bitumée, des d'espaces illimités pour camper, avec pour seul inconvénient de voir le matin une vague de llamas déferler sur les plateaux d'ichu. Toujours vers le Sud, à partir de Challapata, les choses se compliquent car il n'y a plus de route. Haaa... de la terre craquelée et du sable plein de caillasses, mais ça roule encore. Nous avançons péniblement sur une piste parfois impraticable dans un paysage de plus en plus désertique.
Des dunes, des llamas et des vicuñas sur ce qui ressemble à une maree basse infinie. Heureusement que nous trimballons presque 12 litres d'eau à nous deux car les villages sont très espacés et les conditions de vie y sont plutôt rudimentaires. Jamais nous n'aurons campé autant qu'en Bolivie, autant pour profiter des grands espaces que par manque de lieux d'hébergements dans ces petits villages presque abandonnés.
Après trois jours sans voire grand monde, nous arrivons à Salinas de Mendoza. C'est un petit village très accueillant, et pour cause il y a de l'eau potable au robinet de la place et un très bon pain qu'une vieille dame cuit dans un four traditionnel. Nous faisons le plein de vivres avant de nous élancer sur les berges du désert salé d'Uyuni. Des croûtes de sel craquent déjà sous les roues mais nous n'y seront pas vraiment avant d'avoir passé les collines qui nous séparent de Jirira au pied du volcan Thunupa.
Au contour d'une colline, entourés de milliers de cactus sur une piste vraiment caillouteuse, c'est tout le salar qui s'étend devant nous avec des îlots vaguement discernables sur un blanc éclatant. Jirira est notre dernier point d'approvisionnement en eau. De là, une piste de terre et de sable se jette plein Sud sur le désert de sel. Il y a bien quelques traces de passages au début mais très vite cela devient assez confus. A mesure que le cône du Thunupa rétrécit derrière nous, l'incroyable univers du salar d'Uyuni nous régale d'effets spéciaux.
Tout est blanc, tapissé d'hexagones et de pentagones approximativement crevassés sur l'étendue de sel. Sans boussole il n'y a plus de repères. En continuant plein Sud, nous espérions tomber sur l'ile aux cactus marquée sur notre carte bien à l'Est de l'île Inca Huasi, mais rien n'est simple. Par effets d'indices de réfraction variables sous le soleil implacable, des tâches de ciel liquide apparaissent à l'horizon.
On y voit flotter de nombreux îlots tout arrondis et symétriques comme des bulles de mercure. Selon la distance impossible à évaluer, peuvent surgir de l'horizon miroir des masses flottant dans l'air. Elles mettront des kilomètres d'approche à grossir avant de prendre une forme prenant pied sur la croûte de sel. Au bout de 25km sur cette immense étendue blanche, les berges du volcan Thunupa ont disparu comme par mirage, englouties par la symétrie floue des lieux.
Ces illusions d'optique et l'imprécision de notre carte rendent l'identification de l'île aux cactus impossible. Nous décidons de faire cap au 120 degré dans la direction maintenant purement théorique de Colchani. Cela nous permet aussi de suivre d'autres traces floues selon un axe probable de route vers la ville d'Uyuni. Il fait 35 degrés C vers midi, le soleil nous cuit sans relâche par réverbération malgré cagoule, casquette, manches longues et lunettes noires.
De toute la journée nous ne croisons personne. Nous voyons bien un camion transiter au loin, flotter au dessus de sa propre refléxion comme un jouet miniature en lévitation sur l'horizon. En fin d'après midi, presque 70km à rouler sur du sel et toujours rien en vue. Il fait encore assez bon pour se doucher sobrement et enfin, ce n'est pas le gros sel qui manque pour cuisiner!
Au milieu de cette immensité dure comme de la glace, nous nous sentons vraiment tout petit, même à côté de la tente. En retenant les rayons du soleil couchant, le maillage infini des cristaux de sel qui lézardent la surface du salar s'illumine de façon extraordinaire. Le lever de soleil est tout aussi spectaculaire, avec d'un côté la lune qui se couche sur des tons bleutés tandis qu'à l'Est l'horizon prend toutes les teintes entre l'orange et le bleu ciel avant d'éclater d'un trait aveuglant sous le soleil émergeant.
Le lendemain nous arrivons d'abord à Colchani bordé de tas de sel, et puis vingt kilomètres de tôle ondulée plus tard à Uyuni. La ville en soi n'a pas vraiment d'intérêt mis à part son cimetière de trains ou des locomotives toutes rouillées sont accumulées sur un terrain vague.
Enfin, la piste qui nous emmène d'Uyuni à Tupiza est l'une des plus impraticables que nous ayons jamais vue. Beaucoup de sable sur de la tôle ondulée, nous ne dépassons jamais le 11km/h même sur le plat! Le deuxième jour, re-belote avec le même sable, des dunes à franchir en poussant les vélos, et de la tôle ondulée sur tout le parcours tout en grimpant sur des cols à un peu plus de 4000 mètres avec du 16% dans les côtes. 9.9km/h de moyenne sur la journée! (cela inclus les occasionnelles descentes vertigineuse et casse-gueule évidemment).
L'univer minéral du troisième jour a beau être superbe, la piste est encore plus difficile, mais cette fois-ci nous redescendons de l'Altiplano jusqu'à Tupiza dans un canyon de terres très colorées à un peu moins de 3000m d'altitude. Enfin, quelques jours de repos, de bonne bouffe (ben ça creuse quand même toutes ces histoires!) nettoyage et re-graissage des vélos avant de retrouver de belles routes asphaltées de l'autre cote de la frontière, en Argentine.
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